Un excellent article du site internet l’Observatoire sur le Cosmétiques.
On parle souvent des effets nocifs des rayons UV du soleil sur la peau et la santé. À la Sun Protection Conference qui s’est tenue à Londres les 6 et 7 juin, le Professeur Robyn Lucas, épidémiologiste de l’Université nationale australienne, a mis en lumière l’autre face, plus bénéfique, de l’exposition solaire, plaidant pour un meilleur équilibre entre ombre et soleil pour préserver une bonne santé. Et préconisant au passage un ajustement des messages de prévention délivrés au public.
Le Professeur Robyn Lucas a d’abord consacré ses recherches aux impacts négatifs des rayons ultraviolets du soleil. Peu à peu, celles-ci l’ont amenée à considérer parallèlement les bénéfices de l’exposition solaire pour la santé humaine. Comment profiter du meilleur du soleil en évitant le pire ? C’était le sujet de sa présentation, en ouverture de cette conférence.
Et pour elle, solaire ne rime pas seulement avec protection… Dans son activité quotidienne, elle participe à l’élaboration des messages de prévention diffusés auprès du public, et elle admet qu’ils ne sont pas suffisamment satisfaisants : “On doit faire mieux“, dit-elle, “et trouver un meilleur équilibre entre l’exposition naturelle au soleil pour optimiser la santé et les risques d’une surexposition, en sachant que cet équilibre est différent pour chacun d’entre nous“.
LE YING ET LE YANG DE L’EXPOSITION SOLAIRE
L’exposition au soleil est un facteur de bien-être, rappelle-t-elle : qui n’apprécie pas la douce chaleur des rayons solaires quand ils viennent caresser le visage… pour autant qu’ils ne provoquent pas un coup de soleil ?
Mais les radiations solaires ne sont pas composées que d’UVB, premiers responsables des coups de soleil. Depuis une vingtaine d’années, on s’est aussi intéressés aux UVA, impliqués dans la formation des mélanomes et l’augmentation des cancers de la peau. Et aujourd’hui, on commence à considérer les effets de la lumière visible ou des infrarouges, qui ont aussi des effets sur la santé.
Le mauvais côté du soleil
L’Australie est particulièrement concernée par le développement des mélanomes, et c’est même le cancer le plus fréquent dans ce pays. Une statistique qui s’explique par un environnement particulièrement ensoleillé, dans lequel vit une population majoritairement de peau blanche, donc naturellement peu protégée contre les effets nocifs du rayonnement solaire. La bonne nouvelle est que l’incidence des mélanomes est à la baisse dans les jeunes générations, résultat des politiques de prévention mises en œuvre dans le pays.
Mais au nombre des dommages causés par le rayonnement solaire, l’intervenante cite aussi le vieillissement de la peau, les affections des yeux (cataracte, ptérygion (excroissance de tissu sur la fenêtre cristalline de l’œil), cancer, photo-conjonctivite et photo-kératite, ainsi que des phénomènes d’immunosuppression impliquant une plus grande sensibilité aux infections virales et des réponses immunitaires affaiblies, ce qui peut affecter notamment l’efficacité des vaccinations…
Le bon côté des UV
Mais l’autre aspect des expositions solaires est bien sûr la production de vitamine D, absolument essentielle à la santé, et dont la principale source est l’exposition de la peau aux UVB. De nombreuses maladies sont associées à un niveau faible de vitamine D, rappelle Robyn Lucas. C’est le cas de beaucoup de maladies des os comme le typique rachitisme, mais il a aussi été montré que le risque de cancer du sein était accru quand la vitamine D manquait. Or, selon l’intervenante, “la supplémentation en vitamine D n’a pas montré son efficacité sauf dans le cas du rachitisme“.
Et attention, souligne la spécialiste, la vitamine D n’est pas tout : d’autres molécules induites par les UV jouent également un rôle important dans les réponses immunitaires et biologiques des cellules cutanées, avec des effets bénéfiques sur la santé. Même si les recherches sur tous les mécanismes impliqués ne sont pas encore très avancées, l’exposition de la peau aux UV semble donc absolument indispensable. Mais pour être efficace et générer tous ses effets positifs, elle doit aussi être effectuée sans protection, puisque les filtres des crèmes solaires empêchant les UV de pénétrer la peau… au risque d’accroître les risques de développement de mélanomes. La quadrature du cercle ?
SAVOIR GÉRER SES EXPOSITIONS SOLAIRES
Tout l’enjeu pour Robyn Lucas est que chacun puisse s’exposer suffisamment pour bénéficier de tous les mécanismes biologiques garantissant une bonne santé, en évitant les surexpositions sources de coups de soleil et de cancers.
Pour elle, plusieurs facteurs importants sont à prendre en compte.
Les facteurs clés de l’exposition
• Le modèle d’exposition
Des expositions non protégées courtes mais régulières favorisent la production de vitamine D, alors que des expositions intenses regroupées sur de courtes périodes (typiquement les deux semaines passées sur la plage en été quand on est confiné à l’intérieur tout le reste de l’année) sont connues pour accroître le risque de développer un cancer. Mieux vaut donc sortir se promener un peu tous les jours sans crème solaire, mais ne pas lésiner sur le SPF à la plage…
• Le rayonnement UV
Mesuré par l’indice UV (qu’on trouve facilement maintenant via les multiples applications pour smartphones qui ont été développées), il varie en fonction du lieu (latitude, altitude…), de la saison et de l’heure d’exposition : plus il est élevé, plus le rayonnement est fort. Certaines autorités sanitaires recommandent d’éviter toute exposition non protégée au-delà d’un index UV > 3. Pour le Professeur Lucas, ce n’est pas vraiment le problème : l’indice UV est calculé en fonction de la réponse érythémale (le coup de soleil) mais la dose d’UVA reçue par la peau quand il est faible peut être tout aussi importante que quand il est élevé. C’est surtout la dose globale d’UV reçue qu’il faut prendre en compte.
• La dose d’UV
Elle dépend de deux facteurs : l’indice UV et la durée d’exposition. Ainsi, 10 minutes d’exposition à un index UV = 12 équivalent à 40 minutes à un index UV = 3. Ce qui est vraiment crucial pour l’intervenante est de recevoir la juste dose d’UV pour une production optimale de vitamine D sans dépasser le seuil dangereux, synonyme de coup de soleil et d’atteinte des cellules cutanées par les UVA.
• La surface de peau exposée
Pour profiter au mieux des bénéfices pour la santé de l’exposition solaire, mieux vaut exposer une grande surface de peau (et donc un grande nombre de cellules cutanées susceptibles de réagir aux UV et de déclencher les mécanismes bénéfiques) à une dose faible d’UV, qu’une petite surface à une dose d’UV forte.
• La protection de la peau
Pigmentation naturelle, utilisation de produits de protection solaire, port de vêtements… sont autant de facteurs susceptibles de diminuer la dose d’UV reçue par la peau.
Les bons messages
C’est en tenant compte de tous ces facteurs que le Professeur Robyn Lucas recommande de faire évoluer les messages de prévention délivrés au public. Et voici ceux qu’elle préconise.
• Prendre la bonne dose de soleil
On estime à 1,3 SED (Standard Erythemal dose) la dose d’UV nécessaire à la production et la maintenance d’un niveau suffisant de vitamine D, sachant que 1 SED (la dose standard pour l’apparition d’un coup de soleil)= 60 (minutes)/Indice UV.
Chaque peau réagissant différemment au soleil, le temps d’exposition possible sans protection avant d’attraper un coup de soleil varie de l’une à l’autre. Pour le calculer, Robyn Lucas propose une équation simple : [60 (minutes)/Indice UV] x n° du type de peau selon la classification de Fitzpatrick (allant de 1 à 6, des peaux les plus claires aux plus foncées).
Exemple : pour un type de peau II et un indice UV de 8, le temps d’exposition sera de 60/8 = 7,5 minutes x 2 = 15 minutes.
• Se protéger quand il le faut
Si on doit rester à l’extérieur et exposé au soleil plus longtemps que ce qu’on peut se permettre sans protection, Robyn Lucas recommande alors de protéger la peau avant de sortir, notamment avec une crème solaire, d’un SPF d’autant plus important que l’indice UV est élevé.
• S’exposer autant qu’il le faut
Si en revanche on doit rester à l’extérieur durant une période de temps plus brève, alors mieux vaut ne pas utiliser de protection et exposer la surface de peau la plus importante possible au soleil pour maximiser la production de vitamine D.
• Toujours protéger le visage, le cou et les mains
Seule exception à la règle, le Professeur Robyn Lucas conseille d’utiliser, à chaque sortie, une protection solaire sur ces zones toujours exposées. Elle se base pour cela sur les études cliniques qui montrent que ce sont aussi les parties du corps où se développent le plus fréquemment les cancers cutanés.
LW